"On" (tiens qui c'est?) vient de s'apercevoir que le jeunisme dans l'entreprise, çà va comme çà.
Tiens tiens.
Lorsque je bossais dans mon canard, un jour, toute bêtement, je suis arrivé à 48, 49, et puis boum, 50 ans!
Ouaaahhh!
Cà fait mal!
Surtout si on ne s'y est pas préparé depuis, disons, un demi-siècle.
Cà n'aurait pas été bien grave si mon patron, mon redac-chef, mon moyen chef et mon petit chef m'avaient pris la main, consolé avec un stylo en or (c'était pas encore tout à fait l'ordinateur) et susurré:"Allez, allez, T'as l'expérience, on te garde précieusement. T'as plein de choses à dire. Et à apprendre aux jeunes. T'es pas parfait mais nous non plus. Toi, au moins, t'as fait trente ans dans la boîte. Tu connais plein de choses. Et puis, tu as des qualités d'avant: honnête, sérieux, pas faignant. Bref. Allez, tu vas te perfectionner encore et on va te garder le plus longtemps possible".
Tout çà j'attendais un peu sans le dire. On a sa modestie pas vrai?
Et puis mon rédac-chef avait récemment pondu un edito où il citait je ne sais plus qui, qui disait :"Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle".
Chouette non?
Je me voyais pas trop en bibliothèque, encore moins en combustible, mais j'avais compris la fine allusion.
Mon savoir sur le boulot et l'entreprise, sur la vie en plus, tout çà représentait quelque chose. Même du fric pour mon canard!
Ben non.
Du jour au lendemain, dans mon service, un jeunot, des jeunots, du genre 35 et quelques, mais aussi mon chef, ma chef en plus, m'ont fait comprendre et même dit, petit à petit, que les vieux, hein, si on voulait pas aller à la poubelle, il y avait l'ANPE ou la pré-retraite...que tous les fainéants du journal réclamaient au nom de la "penibilité" (oui, oui) du travail, supportés, poussés, hardi petit, par les gars de l'atelier qui, eux au moins, savaient se faire entendre. Ils gagnaient deux fois plus que nous en moyenne et, pour obtenir satisfaction, étaient, eux, capable de foutre le feu à l'entreprise et, au minimum de casser la tête au patron.
D'où, d'ailleurs, disparité symptomatique et fort dérangeante dans les salaires comparés des scribouillards même syndiqués SNJ ( mais pas des responsables syndicaux il est vrai) et des vrais travailleurs, des vrais hommes aux mains calleuses.
Bref, tout çà pour dire que "on" m'a poussé vers la sortie...que je n'ai accepté de prendre que passé l'âge de la retraite. Avec ce qui m'attendait comme moyens de subsistance, j'avais la trouille. Et j'avais raison.
Oh, après des années de jeunisme, la société s'est rendu compte que cet état d'esprit était d'un gaspillage éhonté.
Et que si payer les jeunes revenait moins cher, les former coûtait beaucoup plus et que, même formés, ils se plantaient pour des broutilles . Et que même si les "vieux" étaient plus durs à manier - ils investiguent souvent là où çà dérange hein? - les jeunes étaient bien obligés d'y venir: la pression populaire, la police et la justice qui font tout de même leur boulot, les scandales etc.
Alors?
Eh bien on leur a dit, aux "vieux": reprenez donc des activités. Vous êtes pas si inutiles.
Ok ils ont dit. Où çà?
Ben dans des associations humanitaires. Genre aider les africains à monter des pompes à eau. Ou aider les Indiens à juguler leurs problèmes de castes. Ou apprendre aux Papous à être plus hygiéniques en se mettant des os dans le nez.
Ah bon?
Le pire est que pas mal on accepté. Mais de ceux qui ont des retraites de 30 à 50.000 Frs par mois. Au-delà, il y a Gstdadt, Cannes et Dauville hein?
Mais en-deçà?
C'est pas avec l'augmentation de la CSG-RDS et le non remboursement des dents et de lunettes qu'on va y arriver non?
Si en plus il faut être bénévoles!
Après bien des atermoiements, les USA ont fini par donner l'exemple et à embaucher des sexa, spetua, voire des octos.
Faudrait tout de même pas oublier: la plupart des PDG des hyper-super-multinationales ont largement dépassé les 60 ou 70 hein?
Est-ce à dire qu'ils sont incapables?
Dans ce cas, où va le monde ma doué?
Et même notre président n'aura-t-il pas ses 78 ans bien sonnés en 2007?
Que l'on sache, il est tout le contraire d'un ramolli.
A croire, d'ailleurs, que certains de ses concurrents, de droite comme de gauche, auraient pu se passer de certains insinuations aussi indécentes que mal venues: ils oublient juste qu'ils en sont pas loin, eux non plus, de la "limite" qu'ils imposent aux autres. Et puis, à secouer trop fort le cocotier pour en faire tomber pépé, il peut aussi vous tomber sur le crâne.
Ceci dit, puisqu'il faut bien terminer, que faire de toute cette pagaille?
Oh pas grand chose. Juste que les esprits ne vont guère changer et que, ici ou là, les "vieux" vont, peut-être trouver des jobs.
Ouai.
Mais les jeunes y a que çà de vrai....
Regardez les pubs: mieux vaut être jeunes, beaux, riches, en bonne santé, intelligents (non çà c'est pas indispensable) que vieux, laids, pauvres etc...
Et puis, comme les principes "anciens" de travail, d'honnêteté, de sérieux, de...moralité aussi, ont fait, place à d'autres, rentabilité immédiate, obéissance servile, turn over accéléré, politoco-économie spectacle, effets d'annonce et promesses en rafales, on peut s'attendre à ce que le système finisse par illustrer l'adage platonicien suivant, jamais démenti par l'histoire des sociétés humaines et...animales: "Lorsque les anciens disparaissent, les racines du groupe disparaissent avec eux. Et le groupe s'effondre."
Amen.