Alors comme ça, un général de l’armée française est inquiété pour cause de manquement à la discipline, pour le moins, et d’entrave à la justice, dissimulation de crime, au pire ?
L’histoire ?
Triste ?
Un parachutiste est accusé d’avoir étouffé dans un sac plastique un ivoirien blessé lors d’un affrontement et, donc, achevé durant son transport à l’hôpital.
Plus grave, si cela pouvait l’être encore, son général, via la chaîne de commandement, aurait couvert la chose.
Encore plus grave que grave, la faute, le crime donc s’il était établi, aurait été couverte par ‘’esprit de corps’’, le voile étant mis sur cette bien vilaine affaire par souci de ne pas ternir l’image et le fonctionnement intérieur des troupes d’élite…
Parce que, aux dires des galonnés, ‘’l’esprit parachutiste’’ répond, ou répondrait, à des critères d’honneur qui mettrait à l’abri ces troupes spéciales, de tout jugement bassement civil.
La ‘’morale’’ des pékins ne pouvant atteindre les sommets des valeurs militaires et plus spécialement parachutistes.
Enorme ?
Certes.
Et totalement faux.
J’en parle en connaissance de cause.
EXPEDITION DE SUEZ
Il y a maintenant 50 ans, un petit demi siècle, j’étais dans un régiment d’élite en question.
De famille catholique et militaire, ce que je ne renie nullement bien au contraire, je regrettais de n’avoir pu participer à l’expédition de Suez.
Vous vous souvenez peut-être, mais l’Histoire vous le dira évidemment, à cette époque, 56, les Français les Israéliens et les Anglais, pour une fois de notre côté mais c’était pour leurs intérêts, avaient monté une opération destinée à répondre à Nasser qui venait de nationaliser le canal.
La manoeuvre fut couronnée de succès…dans un premier temps seulement.
En effet, les soviets, sauveurs de la liberté du monde en général et des pays arabes en particulier, -la guerre d’Afghanistan n’avait pas encore eu lieu - tapèrent du poins sur la table en menaçant d’y aller de la bombe atomique si nécessaire.
Les amerloques, pour ne pas être en reste puisque, eux aussi, étaient les défenseurs de la liberté du monde en général et des pays arabes en particulier, - les guerres d’Afghanistan et d’Irak n’ayant pas…etc - ne se firent pas prier pour taper sur la table à leur tour.
Il faut préciser que les intérêts pétroliers de l’époque étaient un peu trop britishs aux goûts des frères américains pressés d’accroître leur confort et leur niveau de vie. L’occasion était bonne.
Il urgeait donc de montrer à tous ces seconds de la classe, qui était le premier. Les premiers en fait, ex-aequo.
Ordre fut donc donné aux trois compères de stopper leur progression vers Le Caire, bien qu’ils aient remporté, haut la main, cette guéguerre de quelques jours, sur une armée égyptienne, peu encline à livrer bataille, et on la comprend, à une véritable mini armada armée jusqu’aux dents.
Après un rapide baroud, qui vit les forces égyptiennes quasiment volatilisées, retrait des attaquants sur ordre des deux grands de l’époque.
Humiliation suprême, donc, pour les troupes d’élite en question qui avaient, quasiment seules, participé à l’équipée.
D’autant que la propagande égyptienne avait transformé la pantalonnade nassérienne en victoire éclatante, au point même d’imprimer et de diffuser des timbres ou figurait un cuirassé français, soi disant coulé alors qu’il se bronzait au soleil dans le port de Toulon.
Bref.
VALEURS MORALES
Ceci pour dire le climat du moment, climat dans lequel j’avais intégré les troupes coloniales, puisque c’était ainsi qu’on les appelait.
Pour ne pas faire dans la demi-mesure, j’étais aussi al-gé-rie fran-çaise, que possible, sans trop savoir pourquoi sinon parce que j’avais été élevé dans ces idées-là et très proche, tout de même, du petit peuple de là-bas, mais pas du tout des ‘’gros colons’’ qui, comme partout ailleurs, constituaient la crème argentée profiteuse de la masse, colorée ou pas.
Ces idées, tout de même me permirent, avec tous mes copains de régiment qui les partageaient, d’estimer que le rôle de l’armée se devait d’éviter tout dérapage.
Et en particulier, d’un dont on causait déjà sous le manteau, à savoir, les exactions de toutes sortes et les tortures.
Au point, d’ailleurs, que dans notre unité, arriva un jour un lieutenant qui fut mis à l’ombre pour un temps, vu son goût gênant pour ce genre de pratique.
Cet individu semblait mis à l’écart pour des raisons prudemment préservatrices, probablement, mais que nous avions dans notre candeur interprétées comme réprobatrices de la part du haut commandement.
Toujours est-il que parmi les parachutistes de base, enfin de niveau EOR, (élèves officiers de réserve), le rôle de l’armée devait être moralement républicain, et rien d’autre.
En clair, propre.
D’ailleurs, et dans le même ordre de sentiments, nous considérions d’un très mauvais œil les opérations dites spéciales ( en fait de sombres manigances politiques), qui étaient, à l’époque, dévolues au 11° Choc, bataillon aéroporté dépendant du Ministère de l’Intérieur et dans lequel étaient intégrés d’autres copains à nous, mais copains éloignés du genre rouleurs de mécaniques, têtes brûlées et même petits voyous, ayant intérêt à se refaire une virginité citoyenne en allant casser de l’opposant, si possible de couleurs, aux quatre coins de l’empire.
Pourquoi toute cette histoire ?
Simple.
Tout simplement pour dire que ceux qui se drapent, aujourd’hui dans la toge immaculée de la morale militaire, fut-elle plus spécialement immaculée que les autres, ont bonne mine.
Ils prétendent, désormais en vain, qu’ils ont échappé à la disparition crassement civile des valeurs morales antiques qui voulaient que le soldat défenseur de la Nation, ne soit rien d’autre qu’un chevalier blanc genre Bayard, luttant toujours à armes égales et gardant sa conscience aussi propre que ses mains.
Et qu’ils continuent à incarner les grandes valeurs militaires qui fondèrent la France, fut-ce au prix du sang des troufions et celui des civils, de chez nous ou d’ailleurs.
Il n’en est rien.
Ces valeurs ont bel et bien disparu.
De manière triviale d’ailleurs.
A commencer par la légion d’Honneur, naguère décernée ‘’au feu’’, aujourd’hui ornant le revers des copains bien en cour.
Sans oublier les copines dont le feu en question se situerait plutôt au derrière.
La Médaille Militaire, même, cette Légion d’Honneur des sous-offs, est désormais accordée…’’à l’ancienneté’’, alors qu’au temps de sa création, elle ne l’était que pour actes de bravoures, difficiles à réaliser dans un bureau de l’intendance.
Non que les mérites des récipiendaires n’existent pas. Mais les ‘’valeurs’’ sont radicalement autres.
Exemple : la violence, aujourd’hui, se pare des atours de la ‘’morale’’ économique, républicaine, militaire et religieuse, en voulant, par ailleurs, faire oublier que depuis la nuit des temps, les élites chenues font exécuter leurs basses œuvres par les jeunots à qui ils font prendre des vessies pour des lanternes et des calculs crapoteux pour des idéaux flamboyants.
A quarante ans j’ai fini par le comprendre.
Et a soixante dix à le savoir bien mieux encore.
Valeurs morales qu’es aco ?
Quelle morale peut-elle donc excuser l’orgueil, l’avidité, le mensonge, le vol, le meurtre ?