100.000 , 120.000, 150.000 morts : les rapports, évaluations et autres reportages, entrelardés de ‘’sacrifices et aumônes des si gentils people’’, ne cessent de nous faire prendre conscience de l’ampleur de l’horreur, de la misère et du malheur qui, comme bien des catastrophes similaires dans le monde, semblent trouver un malin et diabolique plaisir à s’acharner sur des populations déjà éprouvées par leurs conditions quotidiennes de vie.
Conditions, faut-il le préciser, dues surtout pas à la fatalité bonne fille sur laquelle les véritables responsables savent toujours compter, mais aux responsabilités de ces dirigeants eux-mêmes suivant l’adage qui, depuis la nuit des temps, désigne les dirigeants acceptés par leurs sujets comme seuls garants de leur bien-être et de leur vie.
Et pour Haïti donc ?
Ohé PAPA ET BABY DOC !
Eh bien nous avions, dans le précédent article, rappelé et regratté que parmi ces responsables, le silence plus qu’étonnant, complaisant voire complice, qui est entretenu par tous les médias à propos de ‘’papa’’ et ‘’baby Doc’’, les Duvalier père, fils et leur tribu tout entière.
Silence pour le moins coupable.
Nous ne nous étions pas trompés.
Depuis lors, toujours pas un mot sur ceux que nous estimons sinon les seuls du moins les principaux coupables, des 50 ans d’impéritie, de gabegie, causes premières de la misère dont souffre le peuple haïtien, et dont le récent holocauste est le dernier avatar.
Impéritie, gabegie ?
Pour une raison bien simple.
Haïti a été déjà le théâtre de trois grands et de multiples ‘’petits’’ séismes qui auraient dû inciter, contraindre est le mot, les autorités gouvernementales à ‘’construire antisismique’’.
Cela a été fait en Sicile, par exemple – mais en petit, la Mafia ne voyant pas cela d’un très bon oeil – où les constructions ad hoc ont très bien résisté à tous les problèmes du genre.
Pour ce qui est d’Haïti ? Un pays perché sur un foyer de séismes potentiels ne pouvait en aucun cas faire l’économie de ce genre de précautions.
A moins que des potentats, au mieux égoïstes au pire criminels, aient estimé devoir asseoir leur confort personnel sur la vie de leurs sujets.
C’est pourtant ce choix qui a prévalu.
Une construction antisismique généralisée aurait, au pire, causé une dizaine, une centaine, voire 500 à mille morts. Tous de trop évidemment, mais tout de même…
Au lieu de cela…
ET CHEZ NOUS ?
Cela me rappelle une histoire que j’ai personnellement vécue, il y a une quinzaine d’années dans mon propre journal.
Je faisais alors des recherches sur la tectonique des plaques et j’avais été interviewer Haroun Tazieff dans sa fantasmagorique retraite de l’île St louis à Paris.
Durant la conversation, les séismes avaient, bien sûr, été évoqués et notamment la sismicité permanente, mais momentanément paisible, de la Côte d’Azur.
Nous avions donc parlé du ‘’grand’’ tremblement de terre en Provence de juin 1909.
En rappelant cet évènement, je lui demandai quels pourraient être les risques aujourd’hui.
Il me précisa de façon on ne peut plus nette…et inquiétante, quatre éléments majeurs à garder en mémoire pour la prévention de grandes catastrophes de ce genre.
Un : la densité actuelle de construction urbaine, multiplie par mille les risques d’un grand nombre de victimes.
Deux : la construction généralisée de notre région, hors de toute prise en compte des normes parasismiques, multiplie encore, au moins par dix, ce risque.
Trois : la désinformation à ce propos tranquillise les populations…et les Pouvoirs Publics, les poussant à négliger les précautions à prendre, en vue de minimiser voire d’exclure tout risque de ce genre.
Quatre, en conclusion, et je le cite: ‘’Si une séisme de force 6 ou 7, similaire à celui de Haïti, survient dans le nuit avec un épicentre sous Nice, par exemple, on a un million de morts garantis !’’
J’e,n fais donc état dans mon papier.
L’histoire ne finit pas là.
Mon article écrit, et relu par mon rédacteur en chef adjoint (1) m’appelle :
‘’Supprime ce passage.’’
‘’Pardon ? Tu rigoles ? Notre boulot est d’avertir les gens des risques non ?’’
‘’Oui mais on va se mettre à dos tous les immobiliers, le maire, et le Préfet, et la DDE, et tous les maires de la région, et puis les gens vont aller planter leur tente dans la campagne.’’
‘’Tu rêves non ? D’abord, il faut ne pas connaître les gens pour penser qu’ils vont réagir comme ça. Une fois lu, le papier ne les fera pas bouger beaucoup. Ils en parleront une semaine, quinze jours. Ils questionneront le maire, qui les rassurera (les journalistes écrivent n’importe quoi, vivez tranquilles on veille sur votre sommeil) et oublieront. Cela va alimenter les discussions de bistrots mais les gens, pour les faire changer, bonjour. Mais nous, au moins, on aura fait notre boulot. ;..et puis, notre ‘’canard’’ n’est même pas connu à Nice.’’
‘’Je te dis coupe le passage.’’
‘’Non !’’
J’ai continué à refuser et mon papier est quand même passé…sans le passage gênant…en toute illégalité car comportant encore ma signature, alors que la loi oblige de la supprimer puisque l’article a été dénaturé et ne correspond plus au sens voulu par son auteur.
Voili voilou.
DEJA IL Y A CENT ANS !
Depuis la situation a-t-elle changé ?
Niet.
Certes, des nouvelles normes ont été édictées mais regardez autour de vous et dites moi combien de maisons sont construites dans le plein respect de ces nouvelles normes.
Enfin, puisque après la fin d’une histoire il y a encore quelque chose, je me suis renseigné sur le fameux séisme de Provence (magnitude 6,2 tout de même) qui a frappé la Haute Provence en juin 1909, il y a exactement un peu plus d’un siècle, délai incertain bien qu’assez ‘’normal’’ entre plusieurs séismes possibles.
J’ai cherché à en savoir plus, notamment concernant le nombre de victimes.
Les chiffres officiels de l’époque évoquent 45 morts et 250 blessés.
Certes, la faible urbanisation du site me semblait donner une relative crédibilité à ce bilan, mais ce me semblait un peu trop officiel il est vrai.
Néanmoins, le professeur Alain Bombard que j’avais consulté, sachant qu’il s’était lui aussi intéressé au sujet, me signala qu’un document inédit ,annonçant d’autres chiffres bien plus importants, se trouvait aux archives d’Aix-en-Provence et lui avait été signalé par un correspondant local féru de géologie qui avait, hélas, migré ailleurs.
J’ai tenté de localiser, plus d’une quinzaine durant, ledit document, dans tous les services censés abriter des archives intéressantes…il avait disparu. Non seulement ses précisions mais en plus, la totalité du document lui-même.
Alors ?
Quelqu’un a-t-il eu vent des recherches, ou a-t-il voulu, lui aussi, ne pas donner corps aux ‘’effrayantes’’ mises en garde des populations dont j’étais coupable ?
Le document a-t-il été purement et simplement inventé ?
Dieu seul le sait.
En tous cas, sans adopter la fameuse et fameusement décriée théorie du complot, rien ne m’empêche de croire à cet autre adage qui nous interroge à juste titre : ‘’A qui profite le crime ?’’.
Dans mon métier, on ne croit pas aux coïncidences.
Maurice CARON
(1) La censure ne date pas d’hier dans les journaux écrits, radiodiffusés et télévisés.