Vous désespérez, braves gens, de la conjoncture morose, du pouvoir d’achat en baisse et du chômage en hausse ?
Vous avez tort.
Les drôles de lucarnes ne font que nous gaver, ces dernières semaines, de tout plein de bonnes nouvelles.
Et même de nouvelles qui le sont tellement, qu’elles nous en ébaubissent de leur pétaradante modernité.
SALARIES BENEVOLES
Ainsi des régionales. Après les résultats que l’on sait, tous les partis ont chanté victoire.
Avec tout plein de raisons, sûrement.
Il n’empêche…que je me torture l’esprit avec tout plein, là aussi, de questions, auxquelles je n’arrive pas à trouver de réponses.
Exemple : comment dans une compétition où il y a des gagnants, il peut se faire qu’il n’y ait aucun perdant ?
L’autre matin, mon copain boulanger qui m’a entendu penser çà très fort ,m’a soufflé la réponse, méchamment je vous l’accorde.
‘’Tu sais que de toutes manières, dans tous les partis il y aura, quand même des élus ? Et ceux qui sont élus, tu sais combien ils gagnent ? Entre 20.000 et…50.000 euros par an. Alors même si dans certains partis il y en a qui ne sont pas élus, ceux qui le sont, ou le seront, ont de quoi chanter victoire non ?’’.
Vrai mais méchant non ?
Et très nouveau, enfin à ma connaissance qui est loin d’être universelle.
Moi qui croyais que cet échelon intermédiaire de la démocratie, encore inconnu il y a une vingtaine d’années, était un haut lieu de la dméocratie où des quasi bénévoles travaillaient au bien commun…
MANQUENT 6 MILLIARDS
Nouveauté encore, la crise ne fait pas que des malheureux. Mieux, elle fait même de vraiment heureux.
Pis : même les responsables de certaines déconfitures économiques ne s’en portent que mieux.
Certes, je savais bien que les banques qui ont copieusement tapé dans nos économies pour se refaire une santé mise à mal par elles-mêmes, ont profité de la toute neuve moralisation du capitalisme pour recommencer à spéculer et à nous diriger vers la prochaine catastrophe. Je savais, tout comme vous, qu’au passage, elles récompensent leurs traders chéris, spécialistes de la chose, c’est-à-dire de la spéculation et de la crise qui va avec.
Néanmoins, je viens d’apprendre une toute nouvelle nouveauté, si je puis dire et qui consiste, crise ou pas, à récompenser non pas les employés qui gagnent et/ou font gagner de l’argent à leur entreprise, mais, croyez-le ou non, ceux qui lui en font perdre.
Ainsi, le ‘’Canard Enchaîné’’ du trois mars dernier nous a informés qu’un dirigeant du Crédit Agricole vient de prendre une retraite dorée avec pas mal de bonus de fin de carrière, alors que la gestion à laquelle il a passablement participé laisse apparaître, après nombre d’opérations calamiteuses, ‘’un manque de 6 milliards d’euros dans les fonds propres de l’entreprise pour respecter les futurs ratios de solvabilité.’’
Employé modèle, du moins ai-je, moi-même, tenté de l’être, j’ai toujours pensé qu’un mauvais employé devait être sanctionné lorsqu’il faisait perdre quoi que ce soit à son entreprise. Eh bien là, c’est le contraire qui se passe.
Alors ?
Je m’indigne. En effet, alors qu’il m’est arrivé une fois dans ma carrière, d’être sanctionné pour une erreur, qui en réalité avait été commise par un autre, j’avais le souvenir de cette règle gravée dans le marbre : le casseur doit être le payeur.
Or là, c’est tout le contraire qui se passe…
Je m’interroge…
Heureusement, mon boulanger a mis un terme à ma perplexité en me soufflant, toujours méchamment hélas, mais en me vouvoyant vu le sérieux de la chose, une seconde réponse : ‘’Vous ne gagniez pas assez, c’est pour çà. En effet, imaginez que tous les employés soient mauvais, vous vous rendez compte de ce que le cumul représenterait comme perte pour l’entreprise ? Là, il s’agissait que d’un seul. Ca se voit bien moins dans les comptes.’’
Effectivement, je n’avais pas pensé à cette véritable innovation qui va probablement contribuer à donner des idées aux autres banques, si ce n’est déjà fait, et, par sympathie, inciter tous les grands patrons à faire de même en donnant ainsi à l’étranger une image de plus en plus prospère de notre économie.
Pensez donc, quel pays en faillite oserait inventer un système pareil de prime au perdant… ?
AMANT=CHEVALIER BLANC
Nouveauté encore, à propos du procès, concernant un mari accusé d’avoir tué son épouse, et au cours duquel appel a été fait à l’amant de cette dernière, présenté par nombre de médias comme quasiment la victime collatérale du meurtre.
Le fait qu’il ait été appelé à témoigner est en soi normal. Directement, ô combien, concerné par l’affaire, sa comparution en justice n’était que procédure courante.
Néanmoins, sa relation pas tout à fait orthodoxe avec la malheureuse défunte, aurait pu, tout de même, laisser planer quelques doutes sur sa crédibilité.
En effet, on a entendu pas mal de choses sur cette crédibilité : quasi auxiliaire de police durant l’enquête, suborneur de témoin, bref, ce témoin-là et ses témoignages n’apparaissent pas tout à fait blanc-bleu en définitive….ce qui n’a pas empêché tous ses défenseurs de souligner, sans rire, qu’il n’avait aucune raison de…charger son adversaire et concurrent…
Très nouveau çà.
Ce que les médias ont oublié de dire c’est qu’il est, tout de même, un peu gros que d’affirmer qu’un amant peut être totalement neutre, (et pourquoi pas bienveillant ?) à l’égard d’un mari légitime…
Pour qui connaît un peu, voire beaucoup ce genre de zèbres, ou a, malheureusement, pu vivre une infortune conjugale, il n’est pas du tout secret que ce genre de personnes endosse systématiquement l’armure du ‘’chevalier blanc’’ toujours là pour libérer la malheureuse qui appelle à l’aide, souffrant abominablement dans les griffes de son persécuteur de mari.
Loin de moi l’idée de juger de ce que pouvait être l'infortunée défunte, que l’on se doit de respecter et moins encore de ce que fut sa vie de femme mariée.
Néanmoins, il est assez nouveau de voir que désormais, tous les amants du monde sauront que le fait de ‘’porter secours’’ aux épouses éplorées, pourra éventuellement constituer une sorte de certificat de bonne conduite leur conférant crédibilité, voire honorabilité, jusque devant les assises et ce, pour charger (à tort ou à raison, là n’est pas la question) la hotte de l’accusé afin de le faire fourrer au trou à perpète.
Encore heureux que la peine de mort ait été abolie.
JEU DE LA MORT
Une nouveauté encore ?
Vous avez regardé le ‘’Jeu de la mort’’ ? Moi pas mais j’ai pu écouter le débat qui a suivi.
L’affaire, vous la connaissez : un jeu télévisé permet à des jurés de contraindre un joueur à donner de bonnes réponses à des questions posées, faute de quoi , ils lui envoient une décharge électrique…croissante au fil de ses erreurs.
80% des jurés ont poussé le ‘’jeu’’ jusqu’à quasiment la mort du sujet d’expérience (c’en était une), ce dernier étant, heureusement, un acteur professionnel qui simulait, ce que les jurés ignoraient.
But de la manœuvre ? On devait en parler abondamment après l’émission.
J’ai donc regardé le débat…qu’après coup je qualifierai de fumeux. En tous cas pas du tout fait pour éclairer le propos des auteurs et moins encore de la compréhension des téléspectateurs.
Certes, ce propos du réalisateur était de montrer la volonté-faculté qu’a la télévision de formater les téléspectateurs jusqu’à l’extrême, voire en les poussant à leur faire commettre des …crimes.
Cela, on le savait : tous les dirigeants, dictatoriaux ou pas, ont compris depuis longtemps que le problème avec les foules c’est la difficulté à les convaincre de faire des choses que normalement ils n’ont pas envie de faire. D’où les promesses, les menaces, les mensonges, bref, tout l’attirail de la communication.
Evidemment, les journalistes de télévision présents, n’ont pas abordé cet aspect, le fond, du problème.
Ils se sont contentés, par contre, avec une véhémence compréhensible, d’aborder…la forme…et ils se sont récriés : télé pas mauvaise, tout dépend de ce qu’on en fait, il y a, aussi, des émissions excellentes, et puis la responsabilité des mauvaises émissions étaient aussi la faute de ceux qui les regardent…
Bref, tout l’attirail de la mauvaise foi… et de la défense de leur légitime gagne-pain, évidemment.
Ils ont juste oublié de noter que les émissions excellentes, lorsqu’il y en a, sont programmées entre 23H et 5h du matin,...commode puisque çà condamne les candidats à la culture à la fatigue qu’engendrent les veillées tardives à répétition, que les producteurs de drogue et les proxénètes, eux aussi peuvent s’estimer innocents en arguant de la responsabilité…des (trop) nombreux consommateurs et, enfin, que l’excellence évoquée est très relative et ne se retrouve que dans une minorité d’émissions….qui devient ultra minoritaire si l’on en soustrait le nombre de rediffusions à répétition…ad nauseam…
Autre oubli, majeur celui-là : avec ce ‘’jeu de la mort’’, l’accusation portée contre le formatage des esprits des téléspectateurs n’est, en fait, que le procès de ce qu’en fait la capitalisme si merveilleusement moralisé : une machine à créer le consentement, un instrument de contrainte caché poussant à l’acquisition de l’inutile et/ou, de la camelote, un système que l’ancien patron de TF1, Patrick le Lay, avait fort bien résumé disant que la télé servait à vendre à Coca Cola du temps de cerveau disponible des téléspectateurs…Il était gentil et un peu dissimulé en oubliant, lui, de dire que son boulot consistait à réduire et le temps et le cerveau de ses clients, afin que ces derniers, n’ayant plus aucun discernement, consomment toujours de plus en plus de Coke et d’autres cochonneries, ce qui lui assure, au passage, une vie confortable, que, d’ailleurs, il s’efforce remarquablement d’entretenir en se gardant bien de d’avaler ce qu’il fourre dans la tête et dans l’estomac de ceux qu’il gruge.
BIEN OU MAL ?
Bonnes nouvelles que celles-ci et celles-là?
Sans nul doute.
Pour le Système cela va de soi.
Un commentateur a posteriori a souligné le fait qu’avec cette émission de dénonciation, ses auteurs avaient, eux aussi, utilisé la télé pour…faire de l’audience grâce à un titre et un thème des plus accrocheurs.
Petit bug : seulement 15% de part d’audience.
Un flop ?
Oui et non.
L’intervenant a voulu voir dans ce relatif désintérêt, le fait que les téléspectateurs sont devenus adultes et que, désormais avertis et capables de choisir, ils ont rejeté là une émission indigne d’intérêt, voire partiale, ou pire, malveillante.
Beau comme de l’antique….
Et moi qui croyais que les yeux, la mémoire et le cerveau humain, à force d’être soumis à un régime d’images, de sons et de discours fondés, directement ou indirectement sur la violence, le sexe et l’envie de consommer, risquaient quelque peu d’être influencés au point de perdre repères, principes et faculté de discerner entre le bon et le mauvais, l’utile et l’inutile, en un mot entre le Bien et le Mal…
Voilà !
Toutes ces bonnes nouvelles ne méritaient-elles pas qu’on en cause un peu?
Bon. A part çà le CAC 40 remonte, les Américains ont de moins en moins envie d’accorder une assurance santé aux plus démunis d’entre eux, on découvre de nouvelles sources de pétrole tous les jours, les mauvaises langues annoncent que Nicolas Hulot et Yann Arthus Bertrand ont décidé de co-fonder l'Institut Galactique de Sauvetage de l'Univers, dont on peut, d'ores et déjà acheter des actions à la Bourse de Paris, enfin, il a été décidé que, désormais et par mesure d’économie de papier,et pour mettre en pratique les conseils de nos deux Guides Ecologiques Suprêmes, la courbe du chômage sera confondue avec celle de l’augmentation des prix et celle des retraites avec celle du pouvoir d’achat.
Maurice CARON