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American (des) illusion

Les journalistes des gazettes, chaînes et autres ondes déchaînées, qui dissertent quelquefois mais pas toujours, sur les manières de cow-boy employées par les USA pour diriger et le monde et leur propre monde, ne font, en somme, que découvrir ce que pas mal de chroniqueurs ont fait bien avant eux. Et de façon bien plus claire.
Sans aller jusqu'à mobiliser les mânes de Tocqueville qui, tout en s'émerveillant quelque peu de la démocratie naissante étatsunienne, n'en oubliait pas pout autant ses failles et faiblesses à venir, il suffirait, à nos prudents pamphlétaires hexagonaux de regarder - ou de revoir peut-être - quelques films de Franck Capra.
Si son ''Extravagant Mr.Deeds'' est pétri d'un idéalisme, déja revendicatif, mais surtout démocrato-romantique des années 30 - la crise battait son plein -, ''L'homme de la rue'' et surtout ''M. Smith au Sénat'', tournés en 1941, année où Roosevelt définissait ses fameuses quatre libertés (d'expression, de culte, d'absence de peur et de besoin) mettaient carrément les pieds dans le plat... Heureusement, le maccarthysme des années 50 ne sévissait pas encore car Capra, malgré ses films d'aide aux efforts des USA en guerre, ne serait pas passé indemne entre les gouttes de l'averse censée éteindre les menaces imaginaires de l'incendie que représentait, paraît-il, le parti communiste US.
Car, révolutionnaires, ces deux derniers films, M. Smith en particulier, l'étaient, et le sont encore. De véritables tirs de barrage visant le capitalisme ''à l'américaine''. Pouvoir de l'argent, de la presse vendue - ou achetée comme on voudra - corruption des politiques, membres des institutions autoproclamés, inefficaces et inamovibles ou cooptés: tout y est.
Seul problème du film: the happy end qui, si elle ne trompe personne dans les films sentimentaux, se révèle ici, après coup, frappée au coin d'une illusion portant à rire si elle n'incitait plutôt à pleurer.
Penser que le David sans sa fronde puisse l'emporter dans son combat contre le Goliath ploutocratique relève du plus pur et plus angélique rêve sans lendemain.
Car même à l'époque, la rédemption d'une société matérialiste, déjà coupable de se prétendre tout à la fois maîtresse, guide et recours du monde, ne trompait que les bons peuples, américain et surtout européens qui eux en plus, allaient avoir bien besoin de sa puissance pour se libérer de l'emprise de son horrible concurrente directe.
Qu'en est-il resté?
50 ans après, si les films hollywoodiens sur la corruption du pouvoir sont tellement courants qu'ils en deviennent bénins, coutumiers, totalement inoffensifs, en 2005, le pouvoir de l'argent, ses incroyables abus et toutes ses dérives ont, désormais, gagné leurs lettres de noblesse. Le Mal d'avant-guerre est, carrément, devenu le Bien. Bible en main, bien sûr, puisque c'est le meilleur moyen de tout légitimer, en réinstaurant le principe du pouvoir, de la royauté, de droit divin. Qui peut tout se permettre et qui se permet tout.
Tiens! On a connu ce droit-là, nous aussi, dans la France de nos rois ''d'avant''.
Et aujourd'hui?
Bien que prétendant être laïque, le pouvoir de notre Etat à nous, s'appuie aussi peu ou prou sur un électorat revendiqué par une religion catholique qui reçoit en paiement de son amitié 12% de nos impôts puisés dans la poche des contribuables sans leur demander leur avis.
Les Etats-Unis ne font donc pas école: ils se contentent de perpétuer un système qu'ils n'ont pas inventé mais bougrement perfectionné..
Certes, il n'est pas mauvais de se rafraîchir la mémoire en revoyant ces films. Après coup, ils prophétisent le problème...pas sa solution.
Alors, l'Amérique puritaine terrassant le dragon économique? Une bien belle allégorie, digne de figurer à la fois dans l'anthologie des films utopiques et des illusions perdues.

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