François Pinault a donc décidé de préférer Venise à l’île Seguin, temple éternel du savoir-faire automobile français, par la grâce de l’exemplaire Régie Nationale des Usines Renault.
Eternel…
Savoir-faire…
Exemplaire…
Bon, là n’est pas notre débat.
Notre vertueux et généreux mécène a donc choisi d’aller ailleurs, éduquer le petit peuple par sa munificence bien connue et son goût très sûr en matière esthétique et humaine donc.
Voire…
Car si l’on veut faire le bonheur du petit peuple déjà cité, pourquoi ne pas consacrer les sommes spectaculaires, - dévolues par la mécène à la glorification des artistes et de l’Art en général -, à quelque chose de plus simple, et de plus efficace selon nous : l’augmentation des salaires des prolos à casquette par exemple ?
Certes, tenter d’élever le niveau moyen de l’intellect du syndiqué de base est une œuvre sacrée – et difficile estime mon chef -, mais lui permettre de manger mieux et de s’acheter de temps à autres du cassoulet sans glutamate, tout Gershwin pour 10 euros et de pompes pas en plastique véritable pour sa femme, ne serait-ce pas plus…excusez du terme, humain ?
Car, dans ce bel effort d’éducation des masses laborieuses, on distingue, aussi, une petite envie d’autopromotion et du mécène et des marques qu’il représente non ?
Et vis-à-vis de l’Histoire, mazette quelle réputation ! Et de ses copains de la Haute donc ?
Oui mais l’Art, là-dedans, direz-vous, qu’en faits-vous ?
Avec un A majusculissime bien entendu.
Eh bien, chère mèdème, pourquoi ne pas permettre aux prolos en question d’aller à l’école plus longtemps et pour moins cher, afin de se former à l’Art en question avec des profs moins chargés ou plus bosseurs, avec ses propres goûts et ses propres moyens qui seraient, pourquoi pas, plus confortables ?
Oui mais les grands musées et tout le truc ?
Ecoutez, sans aller jusqu’à affirmer que l’art est morbide, comme on le couinait et grafitait en 68, - jugement un peu sommaire mais sur lequel nous pourrions débattre quand et si vous le désirez -, nous préfèrerons vous citer quelqu’un qu’il est impossible de taxer d’inculte et de partial de ce côté-ci de l’esthétique.
Picasso, vous connaissez ?
On lui a demandé un jour ce qu’il pensait, lui, des valeurs artistiques et/ou humaines, et des grands choix à faire quand il est important de les faire ?
Vous savez ce qu’il a répondu ?
‘’Si j’avais chez moi un Rembrandt, a-t-il dit, et que ma maison brûle et que j’aie à choisir entre sauver le tableau ou sauver mon chat, je sauverais mon chat.’’
Commentaire ?
Qu’il n’aimait pas Rembrandt ?
On n’en jurerait pas.
Mais nous aussi ici, même si on trouve que Rembrandt c’est très chouette, on préfère les chats. (1)
Et nous pensons, également, qu’à tout prendre, s’il faut faire de vrais choix, mieux vaut dépenser des tonnes de fric à faire vivre les vivants plutôt que les morts.
(1)Même si moi, celui qui tient la plume, je préfère les chiens.