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Algérie: quel pardon?

Hélas, on n’a pas fini d’en parler de cette guerre qui ne disait pas son nom.

On la qualifiait, vertueusement, d’évènements, comme si cette nuance changeait quelque chose aux tueries, aux massacres, aux douleurs et aux millions de drames qu’elle a engendrés.

Aux épouvantables désirs de vengeance aussi.

Sans oublier tous les lieux communs qui seraient sans conséquences s’ils s’en tenaient seulement à la dangerosité des politiques de comptoirs, plutôt que de devenir des idées fixes de revanche qui se perpétuent au fil des générations, sans autre raison que le désir de ‘’faire payer’’ l’autre pour des fautes commises…il y a deux ou trois cents ans..

On a tant écrit là-dessus, d’un côté et de l’autre que, dans l’imaginaire collectif, les lieux communs abondent tant qu’ils remplacent désormais la moindre réflexion.

STUPIDITE ET VIOLENCE TOUJOURS LA…

Quarante ans après, les idées toutes faites, les jugements sommaires, les généralisations, c’est-à-dire la stupidité, la violence et la cruauté tiennent toujours lieu de ligne de conduite, de pensée unique.

Au sein de cette pléthore de haines recuites, un film récent a apporté une touche bienvenue d’humanité et de clarté.

‘‘L’adieu’’, réalisé il y a quelques années par François Luciani, est, lui, criant de vérité.

Quasi documentaire, il est aussi vrai que s’il avait été réalisé sur place et à cette époque. Dans l’ambiance du moment.

La preuve ?

Elle ne vaut guère que ce que vaut mon propre témoignage mais si je suis né de l’autre côté de la Méditerranée, je n’ai rien d’un ‘’pied-noir’’.

Famille de militaire exige, je ne suis né ‘’là-bas’’ et n’y ai vécu que mon enfance et un début d’adolescence.

Néanmoins, quinze d’années de vie sur place, mais sous statut, somme toute, d’étranger, m’ont permis de me faire une idée assez juste, en tous cas vécue, de la situation à l’époque et de ce qui s’ensuivit.

Le film ne fait de cadeau ni à un camp ni à l’autre.

Des massacres il y en eut des deux côtés. Des grandeurs aussi.

On s’en serait doutés.

Ce serait faire de l’angélisme que de penser ou de dire que les blancs étaient les mauvais, et ceux d’en face les bons.

Comme l’inverse d’ailleurs.

La torture, honte de quelque homme ou armée que ce soit, fut largement pratiquée des deux côtés.

Les massacres des innocents aussi.

Y compris entre frères de race, des deux camps.

Si tant est que la notion de race existe puisqu’il n’en est qu’une, la race humaine.

Aussi, la guerre civile qui a suivi la fin de la colonisation est d’autant plus inexcusable qu’elle veut, aujourd’hui, être excusée…sans, d’ailleurs, d’autre raison qu’il faut ‘’faire la paix’’.

…LA RELIGION AUSSI.

Car si la première guerre, de libération, se justifiait dans son but sinon dans ses moyens, celle-ci, qui a fait plus de 150.000 morts dans des conditions toujours atroces, n’avait qu’une ‘’justification’’, la religion ou, tout du moins la manière de la pratiquer.

L’on doit à la vérité de dire qu’elle ne fut qu’une réédition très tardive des affrontements confessionnels d’il y a trois siècles en France, ou des actuels nord irlandais qui ne sont pas près de s’apaiser.

Aussi énorme qu’inexcusable, comme tous les autres.

Passés, présents et à venir.

Comment des hommes, catholiques, protestants, ou musulmans, mais aussi hindous, orthodoxes, et que sais-je encore, coupables tous autant qu’ils sont, de haines, de vols, de viols et de tueries, peuvent-ils prétendre à la fois qu’ils vénèrent un Dieu créateur de vie et trucider leurs semblables en se réclamant de lui et de sa volonté ?

Certes, ce n’est pas nouveau.

Dans la totalité des guerres et conflits divers qui ont émaillé l’Histoire humaine, les chefs religieux ont toujours été et sont toujours aux premiers rangs des responsables ET des coupables.

Quand bien même il est aujourd’hui de bon ton, et sans aucun frais car il n’en coûte rien de demander pardon pour des massacres perpétrés par des aïeux qu’on n’a même pas connus, de demander pardon pour des méfaits datant de 2, 3 ou 4 siècles.

Facile !

On n’a rien à dépenser et tout à y gagner.

Dès lors, comment oser exiger l’oubli, sans frais, des traces, très récentes celles-là, que les tueries ont laissées, ineffaçables dans l’esprit et le cœur des victimes et de leurs familles ?

Un peu facile.

Le pardon ne peut s’exiger.

S’il est accordé, il ne peut l’être que par les victimes.

Et non pas aux descendants des coupables, mais bien aux coupables qui sont toujours vivants.

Autant il est injuste voire délirant d’exiger réparation aux lointains descendants des colonisateurs des 16ème, 17ème, 18ème et 19ème siècles, autant il est monstrueux d’imposer aux victimes leur pardon qu’ils ‘’doivent’’ à des bourreaux qui ont versé un sang à peine séché.

Seuls ceux qui ont été éprouvés dans leur chair ou dans celle des leurs, peuvent connaître toute la valeur de leur souffrance et juger de la légitimité d’une demande de pardon.

D’autant que dans cette douloureuse affaire, nul ne pourra jamais vraiment dire quelle aura été la part de responsabilité prise par un camp ou l’autre, celui de le rébellion ou celui de la répression.

Curieux, enfin, que jamais dans ces conflits où la religion est présente, même bien cachée, aucun responsable religieux n’ait jugé bon de jeter l’anathème, voire prononcé l’excommunication des coupables de violences et de meurtres.

Besoin de garder des clients ou interprétation très élastique des principes dits moraux ?

Les deux très probablement.

Ce qui nous permet, d’ailleurs, de comprendre qu’en ces occasions, l’hypocrisie et la soif de pouvoir des religions ne sont pas une nouveauté dans un monde qui, justement, trouve dans ces agissements, bien des raisons de s’éloigner d’elles.

 

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