L'avenir du journalisme?
Il est plutôt noir foncé que rose bonbon.
L'hebdo Courrier International, que nous consultons régulièrement, en donne un excellent exemple dans son dernier numéro (1).
En effet, dans une seule et même page, il publie - en fait il traduit - un article suédois évoquant, et encensant un poil, la réussite de Metro, journal gratuit 1° de l'espèce qui fait fortune. Dans la même page, il donne place à un second papier, argentin celui-là, qui parle de la tentative d'Hugo Chavez, président-dictateur vénézuélien(selon ces fidèles ou adversaires), qui veut doter l'Amérique du Sud d'un réseau de télévision qui puisse faire la pige à CNN. De la même espèce ou quasiment et avec le même but que le projet français qui patine encore et qui aura, paraît-il la particularité bien française de pas pouvoir être visible par les Français eux-mêmes! Pour ne pas concurencer les dévouées chaînes nationales!
Dans ces deux exemples, on peut tenter de lire l'avenir de la presse.
Un, avec le suédois, que les patrons de medias ne sont heureux que lorsqu'ils n'ont pas beaucoup voire pas du tout de journalistes à payer. Cela, on le savait déja: ça signifie réduction d'effectifs et mise en forme des articles fournis par les agences de presse qui, elles encore, emploient des journalistes, mais en petit nombre également et bien contrôlés et formatés à ne relater que les évènements, sans états d'âme et sans vagues possibles surtout. Quant à la prose gratuite, elle se réduit à sa plus simple expression: vite lue et digérée en 15 minutes statistiques au poignet. La culture en tube genre mayonnaise avec arômes et colorants bien dosés. Et les lecteur aiment§Donc, c'est qu'elle est bonne non?
C'est Bebel qui disait dans 'L'As des as'', commentant l'élection du petit caporal - celui-ci pas l'autre - ''Ce n'est pas parce que 35 millions de gens font une...ânerie, que ce n'est pas une...ânerie''.
De toutes manières, le but visé est à terme: traitement idéal de l'information, avec magnétophones et caméras automatiques, et, dans un stade intermédiaire, l'utilisation des ''journalistes'' de hasard, amateurs, hommes ou femmes de la rue, payés par la seule ''gloire'' d'être cité(e)s comme des JOURNALISTES. Ce qui n'est pas la moitié de rien du tout on le sait! Ces ''expériences'' ont déja été tentées. Avec succès. Mais le tollé prévisible ajourne un chouïa la mise en place.
Côté Chavez:l'Amérique du Sud en a ras le sombrero de l'info made in USA. Les pays du triangle sud vont donc se réunir, se cotiser, et produire...à leur idée. C'est en tous cas ce que veut Chavez. Atermes, toiutefois, il faudra bien se mettre d'accord sur un moyen terme, et un moyen ton, sur lequel cette information-là sera dite. Il ne faudra pas tout de même trop gêner les intérfêts des uns en privilégiant ceux des autres. Et lycée de Versailles bien sûr. Donc, en rabattre ici et là. Couper un peu ce qui dépasse. Peigner ce qui défrise...Avec quelle liberté de l'information?
Autre enseignement enfin, donné par CI lui-même, implicitement: journal indispensable à l'information hexagonale, et de qualité s'il vous plaît, il permet de porter sur la France et le monde un regard non plus franchouillard mais, disons, normal, varié, humain quoi.
Ce qui nous gêne un peu c'est que les journalistes de cet hebdo sont en fait, des traducteurs et ne peuvent, de facto, exprimer l'information qu'avec les yeux et les sentiments des autres, les journalistes de terrain. Ceux qui écrivent encore non seulement en relatant les faits mais en exprimant, tout de même, un brin d'opinion, voire plus encore. Vous savez, ces choses qui contribuent à montrer aux lecteurs la réalité telle qu'elle est et non telle que les patrons médiatiques veulent qu'elle soit présentée.
Le bilan de CI est, tout de même, fort convenable. Mais il est quelque part imposé par la mauvaise grâce manifestée par la plupart des autres medias à envoyer des journalistes voir sur place ce qui se passe. Réduction des dépenses, vous comprenez? Acheter des dépêches d'agence est nettement moins cher.
De toutes manières, et en conclusion: réduction d'effectifs, concentration de journaux, de chaînes, de radios et...de patrons de presse, pression accrue sur les journalistes et précarité du métier déjà présente. Qui va, de nos jours, risquer sa vie ou pire, sa carrière, pour rechercher la vérité et la dire?
Certes, des journalistes français sont menacés de mort à l'étranger, dans des lieux de guerre: la malheureuse Florence Aubenas en est le témoin, otage de la lâcheté criminelle. Néanmoins, il ne faut pas mélanger les genres. Si le risque est grand pour des journalistes de chez nous d'aller quérir l'information sous la mitrailleà balles réelles, il l'est encore plus, à notre avis pour les journalistes français qui tentent, à l'intérieur des medias, de dévoiler les tares de notre propre système. En effet, le risque est grand d'y perdre sa place avec très peu ou aucune chance d'en retrouver une aisément. Le téléphone fonctionne très bien entre les rédactions et de toutes manières, le choix d'une autre place se rétrécit chaque jour davantage.
S'il est difficile, dangereux de trouver la vérité en régions exotiques, la censure fonctionne rarement passées les frontières.
Par contre, égratigner des édiles, des notables voire des hauts personnages de l'Etat chez nous, est nettement plus dangereux pour une carrière. Sauf lorsque ''Le Canard Enchaîné'' dévoile une affaire...
Combien de ''Canard Enchaîné'', et avec lui ou eux la possibilité, la liberté de vraiment informer, verront-ils le jour dans un proche ou lointain avenir?
Alors, quid de cet avenir?
Ne répondez pas tous à la fois!
(1)On ne voit pas l'intérêt de dire ''sa dernière livraison'' car ce dernier mot dérive de ''issue'', mot anglais désignant...le dernier numéro. Il est vrai qu'il ''fait américain'', donc chic. Il est donc pour celà, très utilisé par bien des journalistes français. On critique les amerloques mais faire américain çà vous pose un journaliste non?