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Miracle au bout du portable.

Ce n’est pas nous qui allons nier l’utilité du téléphone portable.

D’abord parce que, si nous le faisons, vous allez, à juste titre, nous agonir de sottises du genre classique, ‘’Va donc eh ringard’’, ou, plus amène et charnellement humain, ‘’Ouai c’est bon pour la com’’, ou ‘’Pour parler à ma copine que j’en peux plus’’ ou ‘’Pour causer à mon mec que y en a qu’un comme lui’’,voire, pour les agressifs, ‘’Paranos et schizos,  tous au gnouf !’’

Ensuite parce qu’en cas de panne ou de crevaison (de voiture de voiture) c’est bien utile et, puis, il n’y a rien de mieux pour avertir la police d’un accident dont on est le témoin.

Même, magie du progrès, qu’il est aussi inouï qu’indispensable, vital même, de pouvoir se photographier et d’envoyer son image à l’être aimé(e) voire pour jouer comme les Anglais à qui filmera le baston, le plus crétin et le plus trash avec les passants qui n’ont rien compris au si fin  humour british.

Tout cela est bien connu de la fine fleur de nos amis qui est bien consciente que sans le portable…prout, plud’bonhomme ou de bonne femme.

Bref : ON NE PEUT PLUS VIVRE SANS !

Ceci dit, mon épouse préférée et moi-même avons acheté, chez Darty- si-t’as-pas-confiance-tu-vas-chez-Carrefour-et-c’est-pareil, deux téléphones portables Alcatel, la marque aux PDG parachutes dorés, d’un modèle ancien. Très ancien. Du genre rien que pour se parler.

C’était il y a deux ans.

Le contrat était signé non pour un forfait mais pour l’usage de cartes. On n’aime pas les fils à la patte et le collier de chien.

Parce qu’on se méfie de celui qui tient l’autre bout de la laisse vous pas ?

Au bout d’un an et demi, tout juste, les deux téléphones en rideau.

Réparation ?

Chez Darty si-t’as-pas-confiance-etc-etc… ?

Ben oui !

La confiance était bien là !

On  nous a répondu bien poliment:

‘’Non monsieur, non madame, on peux plus réparer. Fini a pu pièces…’’

‘’Pardon ?’’

‘’Ben oui c’est normal, c’est un modèle ancien !’’

‘’Ancien ? Mais il n’ont que 18 mois !’’

‘’Oui mais le modèle date d’il y a 5 ans…’’

Argument béton.

Renforcé par un :‘’Entre nous, il faut les changer tous les deux ans c’est mieux. Et puis il y a tellement de perfectionnements en plus avec les neufs…’’

Une année de vie de chien compte, paraît-il pour sept années de la vie d’un homme mais une année de vie d’un téléphone en compte, au pif, environ 15 à 20.

Tout va si vite ma brave dame...

Vous savez quoi ?

On s’est remis à vivre à l’ancienne.

Et vous savez quoi ?

Ca marche !

On continue à se parler, on continue à se voir, tous les jours, on s’aime comme avant, on ne maigrit pas, certes, on est obligé de se souvenir des courses plutôt que d’appeler du bout de la gondole pour savoir s’il faut acheter du lieu noir ou du colin, mais c’est bon pour la mémoire. En plus c’est du poisson vous voyez.

Echec à la société de consommation : deux clients de perdus.

Oui mais. Parce que l’histoire universelle du Progrès triomphant ne saurait s’arrêter sur un si cuisant mais si piètre échec, voilà t’il pas qu’un gus me téléphone, avant-hier aux aurores et me dit, avec un accent bizarre de quelque part dans le système solaire, : ‘’Vous êtes bien monsieur Machin ? Monsieur Maximilien Gustave Machin ? Oui ? Eh bien cher Monsieur vous avez gagné un téléphone portable que vous offre Bouygues System and co etc etc..avec, tenez vous bien, téléphone SMS, 356.763 couleurs, camera zoom numérique et en plus cadeau de deux mois de communication à un tarif préférentiel de 10 euros TTC.’’

Un peu interloqué par ce sort mirifique et généreux qui m’a méchamment ignoré 60 ans de ma vie et qui se manifeste d’un coup en m’inondant de somptueux dons du ciel, je lui demande, ‘’C’est sûr qu’elles y sont toutes les 356.763 couleurs ? Et s’il m’en manque une ou deux, je peux rouspéter auprès de monsieur Bouygues?’’

Remarquez bien que je suis resté poli, je ne lui ai pas demandé si la machine gratuite faisait ou pas le café, mais j’aurai pu.

Un peu gêné d’avoir affaire à un demeuré, mon interlocuteur me dit, ‘’Mais ce n’est pas à Monsieur Bouygues que vous aurez affaire, c’est à l’entreprise.’’

Mais c’est bien sûr ! Voilà l’explication de mes malheurs. Une machine qui vend des machines. C’est pas humain cette chose !

Je comprends enfin pourquoi la Secu met si longtemps à me répondre. Il faut le temps qu’elle se mette en marche, qu’elle trouve le bon programme, qu’elle se goure une fois ou deux et qu’elle s’auto-remette en droite ligne, puis qu’elle s’arrête pour la pause café, qu’elle pique un petit roupillon, qu’on lui fasse son entretien courant, et puis qu’elle le coupe, le courant, vu que pour les machines, il faut aussi des RTT à cause de l’usure.

C’est pas comme les humains pour qui les RTT ne sont que du luxe de prolos à casquette.

Alors quoi ?

Eh bien j’ai fini par demander au monsieur si je pouvais avoir un téléphone comme avant, uniquement à carte.

Eh bien il m’a dit non.

‘’On vous fera un geste commercial et on vous offre, l’abonnement à 29,90 euro par mois. ‘’

‘’Offre ?’’

‘’Oui en payant 29,90 euros par mois.’’

‘’Non merci monsieur ai-je répondu,. Au bout de la laisse je me sens pas à l’aise.’’

‘’La laisse ?’’.

‘’Ce n’est rien, ce n’est rien, ai-je repris, estiment peu honnête de faire perdre son temps à un employé de monsieur Bouygues en lui expliquant mon refus philosophique d’une société moderne qui se prend les pieds dans le tapis en mélangeant les genres puisqu’elle confond les hommes et les bourricots.

Mais pour lui faire part poliment de mon sincère intérêt pour les avantages économiques de la délocalisation savante des centres d’appels à l’autre bout de la galaxie et ma connaissance de ma géographie du certif, je lui ai demandé : ‘’Au fait, vous appelez d’où ? De Calcutta ? De Marrakech ?De Tien Tsin, ou d’Oulan Bator’’

‘’Non monsieur, j’appelle de Villeurbanne.’’

Entre nous je ne l’ai pas cru vraiment mais bof, peut-être qu’à Oulan Bator, les mongols Extérieurs se mettent à se syndiquer aussi et à demander deux bols de riz par jour au lieu d’un et qu’à ce tarif, Monsieur Bouygues préfère ne plus délocaliser.

Voilà.

Toute cette diarrhée aussi verbale que matinale pour vous dire qu’une fois de plus, je n’ai rien compris à la société moderne, au progrès et que j’avais tort de ne pas faire confiance à une société qui a fait une OPA définitive sur le Dieu de la Chance et l’a guidé afin de me consoler de la perte irréparable de mon téléphone portable.

Génie du modernisme et des multinationales : un client triste et hop, un coup de baguette magique et le client est satisfait !

Car l’appel en question c’est vraiment, vraiment, le Hasard. Et la petite main virginale de mademoiselle Bouygues, - enfin on suppose -, qui a tiré le bon numéro – de portable – a été guidée par ce seul Hasard, quasiment la Divine Providence, puisque sur un milliard 758 millions 625 malheureux, c’est tombé sur moi.

Cet heureux hasard, je me répète, n’a donc absolument rien à voir avec le fait qu’il est survenu, exactement deux jours après que mon numéro de téléphone de portable ait été automatiquement résilié vu que je ne téléphonais plus. Et que le marketing et la gestion du fichier clients font partie de la stratégie de l’entreprise, comme de toutes les autres.

Le Hasard on vous dit.

Donc, comme on dit à Rome : MIRACOLO !

Tiens, au fait, vous savez que le pape est mort ?

Oh pardon…

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