Deux Trackers au tapis, 2 MD explosés, un Airbus, un Canadair…
Les journaux et télés en reviennent toujours à évoquer, d’un ton de moins en moins compassé tellement l’argument est usé, la ‘’douloureuse et tragique loi des séries’’.
Les officiels, quant à eux, évoluent dans les mêmes schémas : ‘’loi des séries’’, avec son petit côté mystère et boule de feu voire les esprits frappeurs plus forts que la froide technique, sans oublier ‘’la fatalité hélas’’.
Ils l’assortissent, inévitablement, du rappel attristé, et toute honte bue d’ailleurs, de ce qu’il est de bon ton d’appeler la ‘’dure rançon du Progrès’’, sous entendant ainsi que le Progrès en question doit obligatoirement se payer avec des larmes, des douleurs, des morts.
Si vous voulez l’eau chaude bonnes gens, il faut accepter de souffrir et même de mourir un peu.
La vie de château ça se paye.
Ce qui se constate, évidemment, au quotidien, mais l’argument aurait une tout autre valeur si, à la place de Progrès, était utilisé le mot Profit.
Mourir, d’accord, mais en sachant vraiment pourquoi.
Car à l’occasion, seulement hélas, des sempiternelles tragédies mortelles que constituent non seulement les accidents d’aéronefs mais aussi toutes les catastrophes dues aux activités humaines, - qu’on dénomme nos ‘’exploits technologiques’’ quant tout va bien,- tout le monde se rend bien compte d’une évidence : le Progrès est payé par les uns mais bénéficie aux autres.
Alors ?
Eh bien, il y a quelques années, j’avais été amené à effectuer un reportage - je suis reporter, pas très grand, c’est vrai, encore qu’avec 1, 85m, mais bon, j’en suis pas peu fier – un reportage, donc, sur une brigade d’hélicos de la Gendarmerie Nationale.
Des vrais pros, sympas, gendarmes évidemment mais vachement clairvoyants en plus, et qui se désolaient, par exemple, de payer une fortune la moindre pièce de rechange.
Ainsi, en me désignant un bout de ficelle rouge que les mécanos accrochent à certains endroits lorsque un appareil est au repos, l’un d’eux me disait, ‘’regardez, ‘’ça’’, c’est rien du tout et ça coûte plus de mille balles !’’.
Un bout de ficelle de 8 à 10 centimètres, tout riquiqui, même rouge, à mille francs, ça fait vraiment cher du mètre…
Explication : ‘’C’est certifié, conforme, et tout et tout. Avec ça et tout le reste, on vole l’esprit tranquille. ‘’.
Le fait est que ces pièces étaient chères mais c’était le coût de la sécurité.
C’est-à-dire le coût des appareils pour tester les pièces, de la fréquence accrue des opérations de contrôle, de la qualification des experts etc.
Pourquoi ?
Déjà à l’époque les pilotes m’avaient cité des cas d’intrusion sur les marchés intérieurs occidentaux de pièces issues de…la fraude.
En clair, de pays pas clairs du tout qui fabriquaient en papier mâché des trucs qui auraient du l’être en alu aviation voire en acier inox de haute qualité…et qui les vendaient en douce par des circuits d’une opacité égale à leur rentabilité.
Très hautes…
Et c’était, déjà, il y a 7 à 8 ans.
Aujourd’hui ?
Avec la montée en puissance des économies émergeantes et des ‘’besoins’’ de profits exacerbés qui vont avec, il y a du souci à se faire.
Non. Pas question de dire que la ou les causes des accidents c’est ci ou ça. On laisse ça aux vrais experts. Qui sauront. Et diront. Pas très fort peut-être. On a plus facilement cravaté l’abruti zozo qui a téléphoné pour s’authentifier auteur d’une catastrophe que les vrais coupables qui continueront à nuire ad vitam.
Mais notre boulot est seulement de dire que la course au Progrès suit un chemin parallèle évident, incontournable et, cette fois, o-bli-ga-toire à celui de la course à la rentabilité.
On n’en sortira JA-MAIS.
Notre boulot aussi de dire qu’à l’occasion de ces tragédies, le problème de fond, -pourquoi et pour qui le Progrès ?-, pourrait être abordé mais qu’il ne l’est et ne le sera jamais.
Ni par les officiels chargés des discours de condoléances, pas plus que les têtes d’œufs qui leur servent les expertises, tout juste destinées à fermer le bec aux raisonneurs pas d’accord, ni, a fortiori, par des journalistes tout contents et flattés d’y aller, les sourcils navrés, de leurs commentaires d’initiés technologiques et compassionnels.
Pièces contrefaites, plus vraies que les vraies ? Et moins chères ?
Qui osera attaquer de front les pays émergeants que tout le monde connaît, du moins dans certaines hautes sphères, mais que personne ne voudra affronter pour des raisons que personne n’ignore non plus.
‘’Ah, cher monsieur, vous comprenez, les complications diplomatiques. Politiques en plus…’’
Sans oublier les profits à la clef et au coin des tractations qui commandent la balance de nos échanges commerciaux…
Fermez le ban.
Et les cercueils.
Les ‘’arguments’’, on nous les ressert, également, lorsque est évoquée la fiabilité des compagnies aériennes domiciliées dans les mêmes pays.
La fameuse liste noire existe.
Les parlementaires ont fait leur boulot après la catastrophe de Charm el Sheik .
A l’époque, un ministre, on est charitable on ne le citera pas, avait précisé, onctueusement diplomate : ‘’Nous préférons rendre publique une liste bleue, des compagnies fiables.’’
Gentil non ?
Surtout ne pas dire aux assassins qu’ils le sont.
Les relations que nous entretenons avec leurs gouvernements vous comprenez…
Depuis lors, et malgré les efforts d’une armée d’avocats qui bataillent ferme, les indemnités continuent à produire des intérêts, bien au chaud dans les banques des ‘’pays amis’’ en question.
Pas de rouspétances officielles ?
Pas d’actions, de pressions en douce toujours possibles ?
Même pas de campagnes de presse ?
Tout le monde aux ordres ?
De qui ?
Du Progrès ?
De ceux qui le payent ou de ceux qui encaissent ?