Le général Rondot, accusé d’on ne sait pas encore très bien quoi dans l’affaire pas claire de Clearstream, a refusé de se rendre chez les juges sauf contraint par les gendarmes. Mieux, il a dit qu’il ne répondrait pas aux questions des magistrats.
Conscient, nous semble-t-il, du rôle de fusible désigné, que tout plein de hautes personnalités ont bien l’intention de lui faire jouer, afin de se dédouaner mutuellement et complètement, nous osons le conseiller. Prudence général ! Vous le savez, vous êtes sur un terrain truffé de mines mais vous n’en possédez pas le plan détaillé.
Or donc, convoqués par les juges, le général était menacé d’y être conduit, de force, entre deux gendarmes.
Il a promis de rester muet. L’armée c’est la grande Muette non ?
Mais il a, tout de même, fait une concession : il a ajouté qu’il en profiterait, en fait de dialogue, pour lire à ses juges, des pages des Sept Piliers de la Sagesse de Lawrence.
On ne sait s’il a exécuté entièrement son programme mais il nous est paru utile de rappeler ce qui est arrivé au dénommé Lawrence, appelé d’Arabie, dans le rôle éminent qu’il a joué avant la dernière guerre, lorsqu’il oeuvrait aux bénéfice des intérêts de l’Empire Britannique au Moyen Orient.
Voué très jeune à la défense de son pays, Lawrence a eu, là-bas à cette époque, un rôle hors du commun du fait, premièrement, de ses capacités à fédérer des peuples moyen-orientaux pas très miscibles inter ethniquement voire tribalement.
En outre, il s’est révélé, sur le terrain, stratège et tacticien hors pair, tout en payant de sa personne, de manière très douloureuse et jamais bien élucidée.
Pour en arriver à quoi?
A être déçu dans ses espoirs d’être entendu de ses propres chefs, inconscient, lui aussi, du fait qu’il n’était qu’un fusible dans le grand et bien vilain jeu mené par les puissances occidentales censées apporter la civilisation et la paix (tu parles) aux sauvages arabes.
Les actions à entreprendre au plan international ont été à l’encontre de ce qu’il préconisait. Et les Arabes qui avaient eu confiance dans sa parole, ont été trompés. Pas par lui, mais par ceux qui tiraient les ficelles. La Haute politique, comme à l’accoutumée.
La France, l’Angleterre, mais aussi ouvertement ou de manière subreptice, l’Allemagne, la Turquie, la Russie et les Etats-Unis ont tous trempé dans cette affaire.
Et Lawrence, qui avait donné sa confiance aux Arabes et obtenu la leur, a vu ses plans démolis et les tribus locales déçues et amères, perdre toute confiance aux uns et aux autres et se finir par se plier aux diktats occidentaux.
Lesquels ont mené les guerres que l’on sait, y compris celle du pétrole qui n’était pas absente des pensées des politiques qui en avaient bien d’autres encore.
Est-ce cette lamentable histoire que le général Rondot avait en tête en annonçant qu’il lirait les pages de ce compte rendu d’échec à des juges dont il annonçait, aussi, qu’il ne les estimait pas totalement libres de leurs décisions ?
On ne sait.
Ce qu’on sait, par contre, c’est que ce fusible ci ressemble assez à l’autre.
Mais, la fin de l’histoire est encore plus inquiétante.
Lawrence, lui, est mort quelques temps après son échec, dans un accident de motocyclette tout ce qu’il y a de bizarre, et en tous cas fort bienvenu.
En effet, lui mort, plus de possibilités de dévoiler quoi que ce soit des histoires secrètes de la haute politique.
L’on ne saurait mieux faire que de conseiller au général épinglé de ne pas sortir à moto. Voire même de bien vérifier sous sa voiture quand il s’en sert.
Un chef des services secrets doit bien savoir comment faire en ces circonstances non ?
Ou alors, tout prendre sur son dos.
Quelquefois, la survie est à ce prix.
Après tout, les couleuvres, même les plus grosses, sont assez difficiles à avaler mais pas tellement à digérer.
Bon, après tout, on se fait peut-être des idées…