Bon.
Puisque tout le monde en parle…
Non non, ce n’est pas ce que vous croyez.
C’est bigrement important cette histoire. Nous en sommes bien conscients mais comme les jeux sont faits…
Défaitiste nous ?
Pas du tout.
Pourquoi ?
Eh bien parce que ce n’est qu’une étape voyons.
Nous l’avons écrit déjà deux ou trois fois.
Zavez pas lu ?
On répète ? En détail cette fois ?
Bon. Allons-y. Mais prenez vos pantoufles et un fauteuil. Ca risque d’être longuet. Surtout vers la fin. Comme l’éternité. (1)
LE REGNE DES MARCHANDS
Au début donc, il y avait le commun peuple (pléonasme), la piétaille, bref le pas grand-chose.
Au-dessus, il y avait le chef.
Ce n’était pas le plus intelligent, le plus fin, le plus moral mais tout le contraire.
Alors, comme, de surcroît, c’était le plus costaud…silence dans les rangs.
Puis le peuple apprit à être plus finaud. Il commença à s’éduquer le peuple. Et a faire autre chose que bosser sans fin pour nourrir le chef et les siens. Et les siennes bien entendu.
Avec l’intelligence, les bouseux acquirent un peu plus d’autonomie et ceux qui n’étaient pas les plus costauds, s’avisèrent que, par contre, ils pouvaient être les plus malins.
Ils devinrent marchands.
Et s’installèrent au pied des tours du château. Ils y étaient plus près du costaud qui pouvait les défendre, à condition, bien sûr, qu’ils sachent lui faire les cadeaux qu’il fallait.
Ce qu’ils firent.
Et ce qui leur permit de s’agrandir. En vendant aux autres bouseux.
Restés, hélas, bouseux mais il fallait bien que le système repose sur quelque chose et rapporte assez pour faire vivre les costauds qui les protégeaient et marchands qui les nourrissaient, fut-ce aux prix et selon les lois du marché, comme nous disent nos crânes d’œuf économistes.
Puis, à force de pacifier, d’en avoir marre de se trucider entre costauds de bonne compagnie, et de bien manger ensemble, les costauds gagnèrent en lard ce qu’ils perdirent en biceps, et prirent goût à la vie de château désormais chauffés en hiver.
Et devinrent, - ils n’avaient pas vu le piège - les obligés des marchands.
Lesquels sont, aujourd’hui et pour toujours, les détenteurs du vrai pouvoir.
Et voilà, chers amis, et de façon certes un chouia rapide, comment a pris naissance notre société de marché, notre si beau ultralibéralisme, bref, notre système capitaliste qui consacra la mise en œuvre du darwinisme économique selon lequel il est normal que les riches se gavent et que les pauvres crèvent de faim puisqu’ils sont pauvres, donc plus faibles, moins malins, ce qui signifie moins nobles que les riches qui, étant bien meilleurs qu’eux, ont le droit, que dis-je le devoir de te commander toute cette valetaille à coups de pompes dans le train.
Il y eut, il est vrai, un petit intermède d’un tout petit siècle, durant lesquels les esclaves en question à force de serrer les poings finirent par montrer les dents et à créer partis de gauche, syndicats, idéologies de lutte des classes et autres bandes de prolos à casquette qui firent peur, un temps, aux bourgeois.
Jusqu’à menacer la planète par URSS et partis cocos et socialistes interposés.
Le monde de l’argent se résigna. D’autant que judéo-chrétien, n’est-ce pas, c’est-à-dire bien pensant et respectueux de l’Humain en chacun de nous, il fallait bien des électeurs pour être élu…
Jusqu’au jour où…le Mur de Berlin tomba.
Et cette chute raviva la triste langueur des profiteurs qui se remirent à sourire et à se consoler à coups d’un peu plus de loukoums et de caviar soviétique.
DARWINISME ECONOMIQUE
-Eh oh ! Et alors ? Et le CPE là-dedans ?
-Quoi ? Vous n’avez pas encore compris ?
Qu’ils n’attendaient que ça pour effacer un siècle de lois sociales assassines du capital ?
Et pour retrouver, enfin, la place dont Charles Darwin leur a rappelé qu’elle était la leur de toute éternité : la plus haute ?
Oui mais le CPE là-dedans ?
Dites, vous croyez qu’un gouvernement dirigé en sous main, voire très ouvertement, par Dupont de Nemours, Lockeed, Union Carbide, l’Oréal, Boeing, LVMH, Véolia, Raytheon, Microsoft, Exxon et consorts va, à court ou long terme, décider qu’il faudra, un jour ou l’autre, se décider à être humain en rétribuant le travail comme il le mérite…au mérite comme ils disent ?
Vous imaginez un instant qu’en tant que justement judéo chrétiens bon teint, musulmans ou bouddhistes, croyants et pratiquants ou non mais copains de tous les clergés possibles, ils vont mettre en pratique tous les grands principes de leurs fois respectives en aidant les plus faibles ?
Vous n’avez qu’à dire ça à un cheval de bois et vous recevrez un grand coup de pied dans les dents.
Qu’est-ce qui va obliger tous nos guides suprêmes à diriger la planète avec un portefeuille dans la main droite et l’amour du prochain dans la main gauche ?
Leurs sentiments humains ? Leurs principes religieux ? Leur conscience ? Leur gentillesse ? Leur logique peut-être ? Qui ne pourra que leur rappeler que pour que le marché fonctionne, il faut tout de même que les esclaves puissent s’acheter de quoi vivre, encore faut-il leur donner de quoi acheter ?
Vous rigolez non ?
Vous savez comment on obtient un jus de citron ?
Bon.
L’irruption de la Chine sur le marché mondial nous a été rappelé, s’il en était encore besoin, que le rêve absolu de prospérité sans limite d’un chef d’entreprise, ne peut se matérialiser que d’une seule et unique façon : ne plus payer d’impôts, ne subir aucune contrainte de la part de l’Etat et…-tous en chœur-, ne pas avoir à payer ses ouvriers.
Comme les partis d’opposition n’existent plus et que le mouvement syndical est moribond, y a plus qu’à…
D’abord un peu moins de lois sociales, ensuite un peu moins de lois sociales, puis encore moins de lois sociales, enfin, plus de lois sociales du tout.
Restent les manifs anti-CPE ?
Bof…
Alors le CPE là-dedans, ce n’est qu’une étape.
Le parti des riches ne sait peut-être que compter, mais ça il sait bien le faire.
Pas confondre vitesse et précipitation.
Si l’huile de foie de morue n’a pas bon goût, on y va par petites doses…
(1)Bien sûr qu’elle n’est pas de moi, mais j’aime…