Nous vivons au siècle de la communication. Pardon, au deuxième siècle. En fait, au tout début du deuxième siècle. Le Siècle d'la comm, comme ils disent. Qui va être encore mieux que le premier.
C'est, d'ailleurs, à se demander comment nos parents, nos grand'parents, et pour faire court nos aïeux, et les vôtres, ont bien pu faire pour arriver à vivre, à exister, à se parler et à se connaître, eux qui ne connaissaient pas le bonheur extrême de vivre dans un siècle de la communication. A supposer qu'il y en ait eu d'autres.
Pire! Ils n'avaient même pas idée de la longueur du temps qui les séparait de cette époque bénie que nous avons le privilège de vivre. S'ils avaient su, ils se seraient retenus de naître non? En attendant de pouvoir enfin communiquer.
Bref.
Or donc, nous co-mmu-ni-quons.
Et ce n'est pas pour rien. Cà sert vous savez. A commander une baguette de pain avec le journal enroulé autour, par exemple, ou, quand vous vous arrêtez seulement 10 minutes, à payer une heure à une machine qui ne rend pas la monnaie. Et qui se refuse à communiquer d'ailleurs. Ca sert, très bien, par contre,et surtout, à faire des effets d'annonce, faire état de réformes à venir du genre ''Demain, on rase gratis'', à discuter ferme de la meilleure manière de résoudre les problèmes, en dépensant salive, encre et argent pour seulement tenter de les comprendre - et de se comprendre. Communiquer, de nos jours, çà sert à plein de choses. Et, mathématiquement, çà devrait se voir que çà sert.
En effet, on voit.
On va de réformes en réformes, de la part de super-dirigeants qui succèdent toujours à des bons à rien. Et vont donc tout changer.
On va de futures merveilles en splendeurs en devenir, de rectifications prévues en aménagements projetés, de prétentions futures en suppositions supposées, de propositions proposées en suggestions suggérées et de plans sur la comète en promesses non tenues et toujours répétées à ceux qui ne demandent qu'à y croire, les gogos que nous sommes. Enfin vous peut-être mais nous, hein...çà ira comme çà.
Alors voilà!
On n'y échappe plus à la communication. Même si on en a marre de vivre avec, on ne peut plus vivre sans.
Tenez, un exemple. Dans le département du Var, d'où nous recevons quelques nouvelles, va se dérouler dans quelques mois, un Open de la Presse (Ah le joli mot que voilà!).
De quoi s'agit-il? D'une réunion de concertation entre crânes d'oeufs patentés et experts éternels, qui vont causer des problèmes du monde. De l'Europe, de la Turquie (avec ou pas, çà fait problème il parait), et de l'avenir des hommes et de la planète. Pas moinsse!
Pour répandre la bonne parole, en costume mais sans cravate, en plissant le front, menton négligemment posé sur la main droite, on n'a pas, bien sûr, invité votre crémière, ni ma concierge: elles n'auraient fait que parler du prix de la baguette (tiens, encore elle) du montant des loyers qui grimpent autant que les cancers qui galopent, et de mes rhumatismes qui m'empêchent de faire le saut périlleux, m'en parlez pas allez. Quel rapport de tous ces machins avec les grands problèmes du monde, on vous le demande hein?
Non. On invite des journalisses, bien sûr, mais pas n'importe lesquels, des vrais. Des gros. Des grands. Même des grands reporters. De ceux à qui il faut des lits d'au moins 2 mètres 40!
Et puis des écrivains, des hommes politiques aussi. Dont on ne sait pas s'ils paieront eux-mêmes leur voyage et leur séjour, où si çà passe dans leurs frais de déplacements au service du peuple.
Que dire de plus? Ah oui, ce triturage de méninge ne sera pas ''que'' profond, sévère et extrêmement constructif. Il y aura aussi du pince-fesses tout de même: dîner de gala, visite dans les réserves autochtones locales pour acheter des souvenirs de Provence aux sauvages locaux si habiles de leurs mains, ballades au bord de la Grande Bleue ( pas encore grise), voire haltes romantiques sur la plage où descend la nuit: de si méritoires efforts pour le Bien de l'Humanité, méritent, tout de même, de petites récompenses. Outre, bien sûr, le bonheur ineffable de parler de soi en parlant des autres, de parloter, de discutailler, de co-mmu-ni-quer quoi!.
Ne croyez pas, bonnes gens, que ce genre de colloques (le joli mot et qui fait si intelligent bis) n'existe que dans le Var. Le monde en est plein. La recette est simple: prenez un joli choix de gens bien nourris et tout contents de leur personne, qui savent utiliser, sinon l'imparfait du subjonctif, du moins le sabir énarquo-franglais, réunissez-les dans un lieu à bonne température, faites chauffer en agitant les cervelles durant 48 heures à trois jours, déglacez en faisant danser, sautiller et rigoler à la fin et servez dans la presse locale. Elle se fera un devoir, un plaisir, que dis-je un honneur d'en parler en termes laudateurs et fleuris.
Et voilà. C'était la nouvelle gastronomie de la communication.
La recette n'est pas dispendieuse. Pas du tout. Il suffit de faire casquer les participants, enfin tous ceux qui veulent venir s'esbaubir de si belles choses en fermant leur bec, et de demander à la publicité, aux finances locales, aux subventions diverses donc aux impôts des contribuables, de boucler le budget. Le tour est joué.
Ah oui, on oubliait: le monde est sauvé, bien sûr!
Enfin presque. Sinon dans cinq minutes du moins dans une demi-heure. Les nouveaux guides nous ont mis sur la bonne voie.
Pas trop de résultat? Pas trop de véritables problèmes évoqués? Voire résolus?
Ne vous inquiétez pas. On recommencera l'an prochain. Et puis, des machins comme çà, il y en aura d'autres. Il y en a partout, d'ailleurs. Tout le temps.
On finit, même, par se demander pourquoi le monde en est toujours à chercher sans avoir trouvé comment s'en sortir. Tant de chercheurs et si peu de trouveurs, comme disait Michel Colucci...
Certes, les Anglo-Saxons, Etatsuniens de préférence, disent des Gaulois que nous sommes, qu'ils ne forment qu'un peuple de braillards, qui préfèrent discutailler plutôt que d'agir. La preuve par Astérix, l'homme de l'année en France depuis 65 ans.
Il faut dire, à la décharge des Américains qu'eux, par contre, ils sont du genre très très efficaces.
Ils agissent d'abord et parlent après. En fait, ils tirent d'abord et font des sommations ensuite.
On voit où çà les mène. On voit où çà nous mène. On voit où çà mène le monde.
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Communication?
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L'avenir?
L'avenir du journalisme?
Il est plutôt noir foncé que rose bonbon.
L'hebdo Courrier International, que nous consultons régulièrement, en donne un excellent exemple dans son dernier numéro (1).
En effet, dans une seule et même page, il publie - en fait il traduit - un article suédois évoquant, et encensant un poil, la réussite de Metro, journal gratuit 1° de l'espèce qui fait fortune. Dans la même page, il donne place à un second papier, argentin celui-là, qui parle de la tentative d'Hugo Chavez, président-dictateur vénézuélien(selon ces fidèles ou adversaires), qui veut doter l'Amérique du Sud d'un réseau de télévision qui puisse faire la pige à CNN. De la même espèce ou quasiment et avec le même but que le projet français qui patine encore et qui aura, paraît-il la particularité bien française de pas pouvoir être visible par les Français eux-mêmes! Pour ne pas concurencer les dévouées chaînes nationales!
Dans ces deux exemples, on peut tenter de lire l'avenir de la presse.
Un, avec le suédois, que les patrons de medias ne sont heureux que lorsqu'ils n'ont pas beaucoup voire pas du tout de journalistes à payer. Cela, on le savait déja: ça signifie réduction d'effectifs et mise en forme des articles fournis par les agences de presse qui, elles encore, emploient des journalistes, mais en petit nombre également et bien contrôlés et formatés à ne relater que les évènements, sans états d'âme et sans vagues possibles surtout. Quant à la prose gratuite, elle se réduit à sa plus simple expression: vite lue et digérée en 15 minutes statistiques au poignet. La culture en tube genre mayonnaise avec arômes et colorants bien dosés. Et les lecteur aiment§Donc, c'est qu'elle est bonne non?
C'est Bebel qui disait dans 'L'As des as'', commentant l'élection du petit caporal - celui-ci pas l'autre - ''Ce n'est pas parce que 35 millions de gens font une...ânerie, que ce n'est pas une...ânerie''.
De toutes manières, le but visé est à terme: traitement idéal de l'information, avec magnétophones et caméras automatiques, et, dans un stade intermédiaire, l'utilisation des ''journalistes'' de hasard, amateurs, hommes ou femmes de la rue, payés par la seule ''gloire'' d'être cité(e)s comme des JOURNALISTES. Ce qui n'est pas la moitié de rien du tout on le sait! Ces ''expériences'' ont déja été tentées. Avec succès. Mais le tollé prévisible ajourne un chouïa la mise en place.
Côté Chavez:l'Amérique du Sud en a ras le sombrero de l'info made in USA. Les pays du triangle sud vont donc se réunir, se cotiser, et produire...à leur idée. C'est en tous cas ce que veut Chavez. Atermes, toiutefois, il faudra bien se mettre d'accord sur un moyen terme, et un moyen ton, sur lequel cette information-là sera dite. Il ne faudra pas tout de même trop gêner les intérfêts des uns en privilégiant ceux des autres. Et lycée de Versailles bien sûr. Donc, en rabattre ici et là. Couper un peu ce qui dépasse. Peigner ce qui défrise...Avec quelle liberté de l'information?
Autre enseignement enfin, donné par CI lui-même, implicitement: journal indispensable à l'information hexagonale, et de qualité s'il vous plaît, il permet de porter sur la France et le monde un regard non plus franchouillard mais, disons, normal, varié, humain quoi.
Ce qui nous gêne un peu c'est que les journalistes de cet hebdo sont en fait, des traducteurs et ne peuvent, de facto, exprimer l'information qu'avec les yeux et les sentiments des autres, les journalistes de terrain. Ceux qui écrivent encore non seulement en relatant les faits mais en exprimant, tout de même, un brin d'opinion, voire plus encore. Vous savez, ces choses qui contribuent à montrer aux lecteurs la réalité telle qu'elle est et non telle que les patrons médiatiques veulent qu'elle soit présentée.
Le bilan de CI est, tout de même, fort convenable. Mais il est quelque part imposé par la mauvaise grâce manifestée par la plupart des autres medias à envoyer des journalistes voir sur place ce qui se passe. Réduction des dépenses, vous comprenez? Acheter des dépêches d'agence est nettement moins cher.
De toutes manières, et en conclusion: réduction d'effectifs, concentration de journaux, de chaînes, de radios et...de patrons de presse, pression accrue sur les journalistes et précarité du métier déjà présente. Qui va, de nos jours, risquer sa vie ou pire, sa carrière, pour rechercher la vérité et la dire?
Certes, des journalistes français sont menacés de mort à l'étranger, dans des lieux de guerre: la malheureuse Florence Aubenas en est le témoin, otage de la lâcheté criminelle. Néanmoins, il ne faut pas mélanger les genres. Si le risque est grand pour des journalistes de chez nous d'aller quérir l'information sous la mitrailleà balles réelles, il l'est encore plus, à notre avis pour les journalistes français qui tentent, à l'intérieur des medias, de dévoiler les tares de notre propre système. En effet, le risque est grand d'y perdre sa place avec très peu ou aucune chance d'en retrouver une aisément. Le téléphone fonctionne très bien entre les rédactions et de toutes manières, le choix d'une autre place se rétrécit chaque jour davantage.
S'il est difficile, dangereux de trouver la vérité en régions exotiques, la censure fonctionne rarement passées les frontières.
Par contre, égratigner des édiles, des notables voire des hauts personnages de l'Etat chez nous, est nettement plus dangereux pour une carrière. Sauf lorsque ''Le Canard Enchaîné'' dévoile une affaire...
Combien de ''Canard Enchaîné'', et avec lui ou eux la possibilité, la liberté de vraiment informer, verront-ils le jour dans un proche ou lointain avenir?
Alors, quid de cet avenir?
Ne répondez pas tous à la fois!
(1)On ne voit pas l'intérêt de dire ''sa dernière livraison'' car ce dernier mot dérive de ''issue'', mot anglais désignant...le dernier numéro. Il est vrai qu'il ''fait américain'', donc chic. Il est donc pour celà, très utilisé par bien des journalistes français. On critique les amerloques mais faire américain çà vous pose un journaliste non? -
Vous avez dit information?
Comment se loger lorsque les prix flambent et que les salaires s'éteignent?
Devenir ministre?
Certes, certes, mais les places sont limitées et on est toujours à la merci des journalistes du ''Canard enchaîné'' dont on sait qu'ils sont en permanence à la recherche d'une information qui permettra d'abattre un gouvernement, de démolir un pays, de détruire la civilisation, voire le monde habité et même l'Univers tout entier, n'est-ce pas?
A ce propos, si le journaliste, si le journal en question n'avait pas levé le lièvre, quel autre organe de la ''grande'' presse s'y serait collé?
Ne répondez pas tous à la fois.
Si seulement les journalistes faisaient le boulot que les spectateurs, auditeurs et lecteurs attendent d'eux non?
Et cela au lieu de rapporter (comme à la chasse tiens !) avec beaucoup de componction les sacs pleins de promesses sans lendemains dispensés aux quatre coins de la planète par des tribuns auxquels ils donnent plus aisément la parole qu'à ceux qui les élisent.
Si seulement...
Contentons-nous donc de poser quelques questions: s'il arrive à un ministre de fauter une fois tous les cinq, dix ou vingt ans, cela veut-il dire que tous les autres ministres, et pourquoi pas tous les autres hommes politiques de l'Hexagone, sont d'une intégrité absolue?
Difficile à affirmer non?
Alors, comment se fait-il que les journalistes ne lèvent pas d'autres lièvres semblablesà celui-ci?
Ils regardent ailleurs? Ils n'ont pas le temps ou les moyens? Ils ne veulent pas d'ennuis?Ils préfèrent nous parler de voyages, de gastronomie, de bagnoles, des difficultés hormonales des vedettes du moment, de Star'Ac et Cie? Des merveilleuses espérances de futures baisses d'impôts? Ils prefèrent vertueusement nous faire pleurer sur les malheurs exotiques des populations lointaines en ignorant les nôtres? Ils craignent de déplaire? De se retrouver à l'ANPE?Ils préfèrent caresser dans le sens du poil?
La réalité est vulgaire, c'est vrai.
Elle permet, pourtant, de gagner pas mal de lecteurs et téléspectateurs: quand on voit l'audience que recueille l'évocation de ces quelques dérapages de la démocratie, on se demande pourquoi la presse radiotélévisuelloécrite ne cherche pas à juguler la crise de confiance de ses clients en leur fournissant ce qu'ils payent fort cher, donc à quoi ils ont droit.
A constater les concentrations accélérées des chaînes, journaux et radios, il n'y aura bientôt plus beaucoup de place de journalistes dans les organes de presse: économies d'échelles. Et il n'y aura, CQFD, que quelques grands chefs aux commandes réelles de ce système qu'on appelle, sans rire, le quatrième pouvoir en sous-entendant qu'il est un contre-pouvoir.
Vous savez bien? Ce contre-pouvoir dont on dit qu'il est indispensable pour donner la parole à ceux qui n'en ont plus hormis une fois tous les 5 à 6 ans? De ce contre pouvoir indispensable pour que fonctionne normalement une démocratie?
Et puis autre chose, dans le même sens. Dans le cadre de la campagne destinée à venir en aide à notre infortunée consoeur en prison depuis bientôt deux mois, une phrase est utilisée: ''Il n'y a pas de liberté sans liberté d'informer''.
Il est bon de le rappeler.
Mais encore faudrait-il s'entendre sur ce qu'on entend par liberté et par informer. Et qui, où et comment en fixe les limites.
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Le coût de la vie
Terribles ces heures d'attente pour les parents, les amis, les collègues de travail de la malheureuse Florence Aubenas pour qui elles sont bien plus terribles encore: c'est sa vie qui est en jeu. Et dans quelles conditions.
J'ai connu ce genre d'angoisses. Un soir d'été, il y a pas mal d'années, chargé de relater les ''amusements'' des touristes en vacances, je fus, avec un autre journaliste, pris à partie par une foule qui pour des ''raisons'' qui lui paraissaient bonnes, voulait, à tout prix, nous lyncher, pierres et planches garnies de clous à la main. Ceux qui la constituaient voulaient, tout bonnement, nous tuer. Et ils faillirent bien le faire. Face à une meute en furie d'hommes de femmes et même de vieillards et d'enfants, j'ai vécu là les trois heures les plus affreuses de ma vie de journaliste. Avec comme remerciement, un ''conseil'' de mon directeur qui, le lendemain, me fit rappeler d'avoir à être plus prudent à l'avenir.
Mais cela faisait partie du boulot. Et évoluant en pays dit civilisé, je ne percevais pas de salaire autre que celui du SMIC professionnel de l'époque.
Qu'est-ce à dire? Que les journalistes en danger en Irak ou ailleurs ont après tout, a-t-on pu entendre ou lire ici ou là, des primes de risque, des assurances sur la vie et des salaires d'un certain niveau, qui leur permettent d'assumer? Peut-être, mais rien, de toutes manières, ne justifie le muselage de la vérité, par le crime ou d'autre manière, comme, d'ailleurs, on sait aussi le faire chez nous. Et c'est enfin oublier que dans d'autres lieux, d'autres collègues risquent liberté, biens et vie pour des salaires de misère. Quand ils sont payés.
Par contre, ce qui me gênerait plutôt dans cette hypermédiatisation d'abominables péripéties est le traitement injuste fait à d'autres vies, en danger elles aussi, mais moins connues, moins ''glorieuses'', voire complètement anonymes.
Ainsi de la petite sénégalaise tuée, écrasée par un camion du dernier Paris-Dakar, presqu'en même temps que notre consoeur a été enlevée. Pour elle, deux secondes à la fin du JT et une (petite) ligne en bas de la page 12...
D'un côté une vie en péril avec des mois de colonnes, de lignes et de minutes d'antenne, de l'autre...rien. Mais rien du tout.
Et que dire des milliers d'Irakiens, tués, massacrés, brûlés, torturés et réduits à néant, dans un anonymat aussi éternel que rassurant pour les médias. Imaginez un peu le travail s'il fallait en plus s'occuper de tous ces gens-là.
Et alors?
Alors cela signifie que, dans notre monde, médiatique en particulier, les vies n'ont pas la même valeur. Si un président, un ministre, une vedette ou un journaliste casse sa pipe, ou la risque, des millions de personnes en sont informées, abreuvées jusqu'à plus soif. Cela commence d'ailleurs au niveau très local: si un enfant est écrasé par une voiture, c'est du 2 ou 4 cols à la Une ou en page 2. Si une mémé se fracasse le crâne sur le trottoir de la boulangerie, ça vaut trois,quatre lignes...et encore. Bon pour une petite nécro. Les vieux après tout...
Et alors bis?
Oh c'est simple: chez les nazis, une vie d'Aryen n'avait pas de prix. C'est-à-dire qu'elle avait un prix monstrueusement exhorbitant.
Par contre, une vie de Juif, de Tsigane, de Russe, de résistant ou de Témoin de Jéhovah n'avait pas de prix non plus. Mais alors pas de prix du tout du tout. C'est-à-dire rien. Rien du tout.
D'accord, les choses n'étaient pas semblables. Mais nous avons adopté le même principe de hiérarchisation de la vie. Point.
Nous aussi nous avons mis en place une échelle de la valeur de la vie des uns et des autres. Selon, en fait, le prix que les médias nous apprennent à leur attribuer.
Certes, certes. On sait: s'attaquer à la liberté de la presse c'est s'attaquer à la liberté de penser, d'écrire, de dire, à la démocratie. Et c'est vrai en plus.
Néanmoins, entre le trop-plein d'un côté et le vide abyssal de l'autre, les médias ont oublié un plus juste équilibre. Equilibre plus humain, dans le droit-fil du constat qu'un collègue américain faisait déja dans les années 30-40 et que Serge Halimi rappelait dans son ''Les nouveaux chiens de garde'': ''Nous devions réconforter les affligés et affliger ceux qui vivent dans le confort. Nous faisons désormais le contraire''.
Autant je me sens touché par le drame irakien, sans pouvoir hélas faire autre chose qu'en condamner l'horreur, autant je me sens proche du conseil de Georges Malbrunot. ''Ne pas y aller''en en tous cas pour le moment, paraît la plus sage des décisions. Sauver l'Irak, certes, mais pas au prix de vies dont la disparition ne changera pas grand chose au destin du pays et de ses habitants. En tous cas pour l'instant.
Et puis, il ne manque guère de sujets gravissimes partout en France,de malheurs et de douleurs, moins exotiques certes mais certainement tout aussi dignes de pitié, qui méritent bien que l'on s'y attarde. Il y a de plus en plus d'affligés en France et plus de plus en plus de confort pour ceux qui ont des vies déja très confortables.